Elles sont des milliers de voix passionnées et engagées pour la cause climatique en Afrique. Ces voix émettent des sons de diverses tonalités provenant de dizaines d’horizons mais transmettent une pensée claire et unifiée : L’urgence de l’action par nous et pour nous pour les défis environnementaux en Afrique.
Chers lecteurs de #On Parle D’2, votre rubrique mettant en lumière les jeunes talents d’Afrique qui repoussent les limites fait son grand retour.
Au cours des mois à venir, nous évoquerons leurs parcours, réalisations, idées audacieuses, compétences et détermination face aux enjeux environnementaux. Nous aurons l’opportunité de découvrir les réalités climatiques africaines sous le regard de ces personnes qui changent véritablement la donne et d’apprécier les initiatives et la créativité avec lesquelles, la jeunesse africaine s’engage à réduire l’impact environnemental. C’est avec cette citation préférée du jeune talent Thierrie ASSEM, l’une des futures figures emblématiques pour les jeunes filles aspirant à des carrières scientifiques, que nous débutons notre deuxième saison.
L’Histoire : Entre engagement, opportunité et découverte de soi
Benjamine d’une fratrie de 5 enfants et grandit entourée de la grande famille, La togolaise Thierrie Domenyo ASSEM a vu le jour, le 1er juillet 1999 à Agoè-Nyivé, une ville vulnérable face aux inondations souvent accentuées par des déchets plastiques. De ses premiers pas à l’école jusqu’au baccalauréat, l’Ecole Privée Laïque le SALUT fut son nid scolaire. « Je n’ai jamais eu l’opportunité de changer d’école parce que mon père était satisfait de l’éducation que je recevais« . Ayant été ce qu’on peut appeler une <<élève ordinaire jusqu’en classe de CM1>> selon ses propres mots, elle a décidé d’être dorénavant première de sa classe ou parmi les meilleures à l’école. Ce qui fut le cas surtout avec ce rêve de devenir aussi remarquable que Dr HOUSE.
Après son baccalauréat, comme planifié, elle fait un dépôt de dossier en médecine mais aussi en ingénierie, sous recommandation de son professeur du lycée qui avait reconnu en elle, une passionnée de l’innovation avec des contributions à offrir au monde de l’ingénierie. Malheureusement ou bien heureusement pour en parler aujourd’hui, elle n’a pas été sélectionnée en médecine et en reçut la nouvelle la veille du concours d’entrée pour l’Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs (ENSI). Elle a dû très vite comprendre l’enjeu et l’opportunité qui se présentait à elle et n’a cessé d’être meilleure dans tout ce qu’elle entreprenait en poursuivant ses études universitaires en ingénierie au sein de l’Université de Lomé où elle a obtenu un master en Génie Mécanique. Bien plus qu’une brillante diplômée intéressée par le domaine de la durabilité environnementale, Thierrie ASSEM du haut de ses 24 ans, se prépare actuellement à faire un doctorat sur l’étude des matériaux plastiques recyclés.
Project manager de WoFIL (un projet novateur visant à transformer les déchets plastiques en filaments pour impression 3D), son parcours forgé par son leadership depuis les classes et son engagement envers une Afrique plus outillée pour son développement lui ont permis de participer à plusieurs activités s’alliant à la protection de l’environnement (Ecojogging, réalisation d’un documentaire sur les mauvaises pratiques environnementales dans sa commune, reboisement…), de diriger ou de travailler sur des projets de formations éducatifs en technologie à TIDD (Technologies et Innovations pour le Développement Durable), à la Jeune Chambre Internationale Universitaire (JCI-UL) et récemment sur la création d’une communauté créative pour les femmes, PIXELLE.
Alumni du Programme d’Excellence pour les Femmes en Afrique (PEFA), fille aux commandes 2020 de Plan International Togo, notre portrait inspirant du mois a également plusieurs prix à son titre. En 2018, elle reçoit le prix d’excellence des 50 meilleurs étudiants de l’Université de Lomé et le prix d’excellence des meilleures filles en sciences de l’association UFCA-TOGO ; Championne nationale d’art oratoire en 2021 de la JCI-Togo, révélation de l’année au Joutes Verbales Francophones, édition 6 et bien d’autres distinctions.
Consciente que les plastiques font partie du quotidien de plusieurs personnes quoi que cela est néfaste à l’humain et à l’environnement, Thierrie Assem vient répondre à la problématique des déchets plastiques et d’énergies fossiles par cette solution innovante et durable qui propose de les transformer en filament pour l’impression 3D.
Elle nous répond
Pourquoi un doctorat sur l’étude des matériaux recyclés?
Je crois que l’ingénierie mécanique est l’un des domaines les plus passionnants et les plus challengeants qui existent et qui peut apporter d’énormes solutions aux défis environnementaux. La fabrication et l’utilisation des filaments sont très en trend dans les industries de nos jours sauf que ces filaments sont de sources pétrolière et donc très pollueurs. Plus de 8 millions de tonnes de plastiques sont produits et à peine 9% sont recyclés tandis qu’environ 25000 tonnes de filaments sont fabriqués chaque année générant 67 millions de tonnes d’émission du dioxyde de carbone. Partie de ces constats, j’ai eu à travailler sur les filaments pour impression 3D, une technique de fabrication mécanique par ajout couche par couche du filament fondu et l’objectif avec wofil est de produire au moins 4860 kilogrammes de filaments par an tout en s’adaptant à l’évolution des besoins et des matières disponibles. J’ai été sélectionnée par le programme Nabiko pour participer à une section de 5 jours au Cameroun. A la suite de ce bootcamp nous avons reçu un financement qui nous a permis d’effectuer les dépenses dans l’acquisition des machines que nous a fournies le programme Universcience du Ministère des Affaires Etrangères de la France. Aujourd’hui, avec ces machines nous recyclons et produisons les filaments que nous utilisons au TIDD lab. Pour l’instant nous sommes encore en phase d’expérimentation et j’ai décidé de porter ma thèse sur ce sujet dans le but d’étudier les caractéristiques mécaniques de ces filaments, de les rendre plus répondant aux normes, de réduire l’empreinte carbone et nous lancerons sur le marché de nouvelles filaments plus respectueuses de l’environnement. Nos filaments qui peuvent aussi être recyclés répondent donc à deux problématiques : valoriser les déchets plastiques existant en réduisant la pollution et limiter l’utilisation des filaments neufs issus des sources pétrolière. Pour moi, il s’agit de fusionner ma passion pour l’ingénierie à mon engagement envers la protection de l’environnement et ce choix sur les matériaux plastiques, je n’y ai pas réfléchi deux fois. L’opportunité s’est présentée et comme mon parcours le démontre, je me place dans la philosophie d’embrasser les opportunités qui se présentent à moi si j’ai la capacité de bien le faire et d’ouvrir la voie à de nouvelles possibilités.
Entre autres, je veux faire partie de celles qui ont prouvé qu’être une femme passionnée de sciences en Afrique ne limite en rien les grandes réalisations tant familiales, sociales et professionnelles.
Quel est vôtre plus grand défi jusqu’à ce jour ?
Mon plus grand défi a été d’accepter que je ne puisse plus être ce que j’avais toujours rêvé d’être à l’enfance, médecin. Et d’apprendre à survivre dans un milieu fortement masculin. Il a fallu à un moment donné se concentrer sur mes objectifs et me redécouvrir.
L’histoire climatique africaine selon vous !
Tout comme les autres continents, l’Afrique fait face à des défis environnementaux même si les réalités des pays ne sont pas les mêmes et les chiffres ne sont pas aussi alarmants, comparés aux grands pollueurs. Les données montrent un continent avec un impact climatique assez faible mais que ce soit la sécheresse ou encore la pollution de l’air, de l’eau et par les plastiques, les défis sont bien présents et représentent un problème qui nous concerne tous !
Heureusement, partout sur le continent et derrière ses réalités, l’on observe une histoire de résilience, une innovation technologique, des partenariats internationaux entre pays africains et des jeunes s’engageant corps et âme à venir à bout de ces fléaux ou du moins à ralentir leur avancée. Que ce soit par la sensibilisation, l’engagement collectif pour la lutte contre la pollution ou encore le développement des solutions innovantes, il est remarquable ce que la jeunesse africaine fait. Pour apporter ma pierre à l’édifice, je me suis attaqué aux déchets plastiques. Preuve que l’Afrique avec sa jeunesse engagée représente un acteur clé de la transition vers un monde plus durable et que son histoire climatique se positivise de jour en jour.
Source d’inspiration et mentor
Une personne qui m’a beaucoup influencé c’est mon mentor et professeur de sciences physique au Lycée, M AYELE Edo. Il a été pour moi et continue d’être, un mentor qui a su m’accompagner en étant un modèle en rigueur, en humilité et en excellence.
Gloria NYAVEDZI est pour moi, une source d’inspiration. Elle représente mon premier modèle de leadership féminin et j’aime particulièrement son sens patriotique, le fait qu’elle n’abandonne jamais et n’aime pas faire partie de la moyenne.
Votre vision d’un monde un peu plus meilleur
Je pense que peu importe l’effort consenti par les humains, il y aura toujours des défis surtout environnementaux à relever, des conflits à calmer, des guerres à éviter. Je crois néanmoins que tout serait plus simple si l’amour est le pilier de toute action, si chacun acceptait de se remettre en question et que tous, autant que nous sommes, jouons notre rôle de gardien protecteur de notre planète.
Un mot pour nos lecteurs !
De grands efforts sont déployés partout dans le monde pour rendre effectives les ambitions de développement, mais la durabilité dans plusieurs domaines menace de nous laisser une fois de plus en marge.
Il est important dès à présent de prendre des mesures et d’outiller la jeune génération pour relever efficacement les nouveaux défis qui se dressent devant nous et ne plus se laisser distancer. Nous devons apprendre des erreurs du passé ! Courons vers le développement sans oublier ce qui doit être important et immuable, l’histoire que nous laissons derrière nous. A la jeunesse africaine, je voudrais juste dire : « C’est à nous qu’incombe le bien-être de la future génération. Nous avons le choix, celle de continuer par insuffler une nouvelle perspective à l’histoire climatique africaine ».
Le chemin de Thierrie Assem fut tout sauf linéaire. Ses efforts et sa thèse au service de l’environnement rappellent l’importance du chemin de la recherche empruntée par l’Afrique pour trouver des solutions durables. Son parcours sur tous les plans fait d’elle un porte-étendard de l’histoire climatique africaine sous une lumière nouvelle, celle de l’impact positif, de la recherche scientifique et de l’ingéniosité dans chaque domaine pour l’environnement.
De la médecine à l’ingénierie, notre future docteure avec cet engagement en faveur de l’environnement, continuera d’offrir ce qu’elle a au Togo, à l’Afrique et au monde.
Cette citation du début prend tout son sens à travers sa volonté d’innover et de contribuer au bien-être de sa communauté. Sa capacité à embrasser les opportunités pour créer un avenir meilleur et plus durable nous laisse voir une jeune force au sein des leaders pour le développement durable en Afrique.
À travers le prisme de la jeune togolaise Thierrie Domenyo ASSEM, passionnée de la mécanique, nous découvrons une Afrique qui possède des esprits brillants pour révéler les défis climatiques et une jeunesse togolaise innovatrice et soucieuse de l’environnement.
Il est à noter que malgré la moindre contribution des pays africains aux problèmes climatiques, ils font encore partie de ces pays au monde qui s'efforcent à : se détourner des moyens de croissance économique très pollueurs, continuer par protéger et sauvegarder les écosystèmes naturels, respecter l'engagement par rapport à leurs contributions déterminées au niveau national.
Andréa Magnon
Boursière d’Africa No Filter
3 réponses
De jeunes femmes inspirantes de notre génération ✨❤️, félicitations à Mlle Thierrie pour cette belle vision et de mener à bien ce beau projet✨. Merci surtout à Mlle Andréa Magnon de nous avoir fait connaître ces belles prouesses 😊❤️
Très émouvant. C’est à encourager
Bel article ! Thierrie est une personne solaire, compétente, dévouée et soucieuse du bien-être des autres. J’apprécie particulièrement d’en avoir un peu plus appris sur elle et son parcours. Gardes cette énergie et cette beauté du coeur, en tout temps.
Merci au blog pour cette belle découverte !