Le dynamisme de cette génération et en particulier de la jeunesse africaine face aux changements climatiques reste impressionnant. Même si les domaines d’actions divergent dans cette lutte, nous découvrons dans chaque action, positionnement et choix d’activisme, une génération qui veut façonner l’histoire climatique de demain en Afrique.
Dans cette nouvelle parution, nous voyageons dans l’univers des jeunes activistes climat d’Afrique et nous nous plongeons dans le monde d’un acteur qui a décidé de converger deux forces : l’éco-éducation et l’entrepreneuriat vert, pour jouer sa part de contributions pour un monde plus vivable.
Un parcours forgé par le temps !
Accueilli par le centre-ville du Mali le 25 juillet 1995 grâce à des parents agriculteurs, TOGONON Sévérin Togo jouit d’une enfance paisible à Mopti, une zone d’agriculture et d’élevage par excellence au Mali. En apprenant de ses parents dès son bas âge, il a commencé par maîtriser les techniques traditionnelles d’agriculture et le déroulement des différentes saisons. Inscrit tôt dans une école privée catholique pour débuter ses années scolaires, il a été plus tard envoyé à Koro, une ville située à une dizaine de kilomètres de la frontière Mali – Burkina Faso pour poursuivre ses études secondaires. Quatre ans dans cette ville à apprendre d’autres dialectes, des méthodes de conservations des cultures… Une situation qui a façonné sa capacité d’adaptation et sa passion pour la nature.
De retour en 2015 à Bamako pour ses études supérieures en langues et civilisations à ULSHB (Université des Lettres et Sciences Humaines de Bamako), il obtient son diplôme et débuta ainsi en 2019, son parcours professionnel dans le domaine environnemental en tant que coordinateur du projet Drums For Solar (projet qui consistait à mettre en place des séances de formations sur les initiatives vertes telles que l’assemblage des panneaux solaires et la construction durable des bâtiments). Conscient qu’il fallait acquérir de nouvelles connaissances pour mener à bien ses tâches, il a fait du monde virtuel, son nouveau centre de formation en suivant plusieurs cours en ligne comme : Youth Development et Civic Engagement auprès de YALI, les actions du développement durable (IFDD), Environnemental Management (Coursera), Entrepreneurship and strategies (Alison)…
Il consacra son parcours professionnel au renforcement des capacités et au développement communautaire avant d’embrasser une carrière d’enseignement d’anglais pendant deux ans. Co-fondateur du mouvement Act On Sahel, il a piloté en 2020, le projet agricole Seeds For Sahel en aidant les agriculteurs locaux avec des kits d’irrigation et des semences locales dans le but de favoriser une production suffisante sans pesticide et de promouvoir des produits bios et locaux, l’une des actions à encourager pour la production et la consommation responsable.
Actuellement coordinateur local de la fondation Africa Another Way depuis 2021 où, il se charge de l’implémentation des projets d’accès à l’éducation et à l’entrepreneuriat féminin, notre jeune activiste climat est engagé pour la promotion des start-ups vertes. Il œuvre en tant que coordinateur régional aux côtés des entreprises comme Carbonatica qui évolue dans la transformation des déchets en énergie.
Dans l’objectif de mettre en place des initiatives pour construire une génération éco responsable et apte à innover durablement, il crée l’association EEYE (Environmental Education and Youth Empowerment) qui fait la promotion de l’éducation à l’environnement et le pouvoir d’action climatique des jeunes au Mali, notamment avec un programme annuel d’éducation à l’environnement dénommé eco-citoyenneté. Pour notre activiste climat :
Une génération consciente des défis présents et futurs peut bâtir un avenir prospère et une Afrique durable.
Avec EEYE, il a eu à organiser la conférence nationale de l’entrepreneuriat vert et de la gestion des déchets en octobre 2022 ; participer à la COP 27 en Égypte ; et partager ses expériences et initiatives sur l’engagement des jeunes grâce à l’invitation de Stockholm International Water Institute et Advocating for Climate-sensitive Education, au Canada en avril 2022.
Des initiatives pour un avenir durable
En collaborant avec ses pairs jeunes en qui, il voit un terreau fertile d’engagement pour la réalisation du projet écoresponsabilité, EEYE forme tout d’abord des facilitateurs sur la gestion des déchets, la durabilité et l’entreprenariat vert. Ces formateurs formés se rendent à leur tour, dans les écoles, pour éduquer et sensibiliser les élèves sur les bonnes pratiques de la protection de l’environnement avec des dons de kits d’assainissement pour milieu scolaire. L’entrepreneuriat vert à l’école n’en reste pas du moindre avec des cours de notion, de gestion de projet et des séances de fabrication des outils issus du recyclage. Avec plus de 5000 élèves bénéficiaires dans 15 écoles, « écoresponsabilité » est l’une des initiatives à fort impact dans le domaine de l’éducation environnementale au Mali et dans la sous-région.
Après les initiatives scolaires, EEYE organise en partenariat avec des entreprises de collecte de déchets et de recyclage, des campagnes de sensibilisation sur la gestion des déchets (Zéro plastique dans nos écoles et rues) et des activités de reboisement avec l’aide des autorités locales.
Il nous répond
Votre point de vue sur l’histoire climatique africaine
Les réalités climatiques africaines sont particulières car même un conflit peut être relié aux effets du climat. Enfant d’un agriculteur, je sais comment les changements climatiques affectent les communautés rurales et surtout les producteurs. Pendant mon séjour dans mon village natal, j’ai remarqué que le paysage urbanistique avait nettement diminué. Certes jetais tres jeune en le quittant mais la situation etait inquietante. Mon père m’a expliqué que cela est dû au commerce du bois, surtout que l’on ne reboise plus après avoir coupés et vendus les bois. Ces pratiques ont commencé à provoquer une sécheresse et une faible productivité agricole, ce qui obligea certains à quitter les lieux. Les agriculteurs qui se sont décidés à rester ont commencé à chercher plus de terres cultivables et en même temps, les bergers avaient aussi besoin de plus d’eau et de prairies pour élever leurs animaux. Par conséquent, la recherche de terres a conduit à un conflit sans précédent directement lié aux changements climatiques. Aujourd’hui, chez moi, la déforestation a été interdite. Même si ce n’est qu’apres une décennie, les forêts commencent déjà par renaître avec le reboisement des arbres à croissance rapide et la pluviométrie s’améliore grâce à ses dynamiques personnes souvent jeunes et ces autorités locales qui ont compris la fragilité d’un écosystème surexploité. C’est ainsi que dans plusieurs communautés africaines, les indicateurs environnementaux seront améliorés grâce aux habitants qui sont mieux informés, ce qui revient à l’importance de l’éducation sur le changement climatique.
Tout comme le réchauffement de la planète est une réalité, la prise de conscience et la promotion des actions adaptées à nos réalités sont également d’actualité en Afrique. L’Afrique avec ses ressources, arrivera à réduire les causes et les effets du changement climatique. Il est aussi évident que tous les continents doivent y participer car le problème est mondial.
Votre définition de l’activisme
Je définis l’activisme climat comme la capacité de relever les défis environnementaux du moment à travers un esprit combatif et créatif.
Pourquoi le domaine de l’éducation environnementale et de l’entrepreneuriat vert? Quels sont les défis auxquels vous avez été confrontés?
Les conséquences du réchauffement climatique ne sont pas isolés et mon expérience m’a fait comprendre qu’il peut y avoir des impacts sociaux, politiques et économiques. Je crois personnellement qu’on peut s’adapter tout en atténuant les effets. Pour cela, il faut construire une Afrique durable dans laquelle vivent des jeunes conscients de la limite des écosystèmes biotiques et abiotiques et qui sont capables de mettre en place des solutions pour supporter leur environnement. Les connaissances, le renforcement des capacités, l’entrepreneuriat durable, écologique et adapté à nos pays sont nécessaires et en m’engageant, j’ai sentis qu’un changement naissait de mon travail; j’ai donc voulu continuer pour pérenniser cela. L’exemple fragrant est que le Mali dispose d’environ 12 millions d’hectares de forêts et en perdrait chaque année 100 000 hectares sans les activités de sensibilisation et de reboisement entrepris par plusieurs organisations de la société civile.
Mentor et personne influente
Mon mentor a toujours été Aboubacar Sidiki Coulibaly, mon professeur de civilisation africaine à l’université qui me disait : « «L’Afrique dans sa diversité regorge des potentialités inexplorées et que seuls des curieux et courageux pourront les découvrir». Il fait partie de ces personnes qui croient en la jeunesse africaine et vous motive à toujours donner le meilleur de vous.
Je dirais que la professeure Kényane Wangarĩ Muta Maathai fut une personne inspirante qui a influencé et façonné mon sens de l’activisme car son parcours m’a permis d’envisager le monde sous un autre angle.
Votre vision d’un monde un peu meilleur
Un monde où le développement est centré sur l’humain à travers une ré-interconnexion avec son environnement.
Un message adressé à l’actuelle génération
Les changements climatiques sont une évidence, plus personne ne peut le nier et l’Afrique le vit au quotidien. Nous jeunes africains devons nous réunir, collaborer et proposer des solutions climatiques innovantes-durables. Il est toujours possible d’éviter le pire si nous décidons d’agir aux côtés de nos décideurs politiques et l’heure est à l’action. Chacun de nous peut choisir un domaine et s’y engager pour non seulement réduire les impacts mais permettre de réduire l’empreinte carbone liée à ce domaine. Il faut certes la détermination mais tout commence par le changement de mentalité et des gestes simples. Ces gestes peuvent être l’abstention à des plastiques à usage unique, la protection et la création des forêts pour freiner la désertification, ou tout simplement d’ajuster notre mode de vie au fonctionnement de l’écosystème ; afin que nos comportements servent d’exemple pour les moins jeunes.
En tant que jeune et passionné de la jeunesse, Severin Togonon reconnaît le potentiel inhérent des jeunes à jouer un rôle actif dans le processus de changement grâce à leur engagement, créativité et compétences. Il continuera de mener des activités de terrain dans les écoles et les localités du Mali mais aussi de plaider en faveur des politiques environnementales efficaces, en mettant l’accent sur l’implication et la consultation des jeunes dans des instances de décision. Le porteur d’espoir transmet très tôt aux générations dans les écoles, les notions de protection de l’environnement et d’entrepreneuriat vert. Il s’engage dans des consultations, des récits, des plaidoyers politiques et dans des collaborations entre les organisations de la société civile africaines.
L’information, c’est le pouvoir et en partageant les bonnes informations dans les écoles, avec la jeune génération qui est un point de sensibilisation efficace dans la société, TOGONON Sévérin s’assure que les maliens ont la connaissance et la possibilité de faire des bons choix pour l’environnement, des choix qui produisent des changements visibles en Afrique et qui en produiront encore plus.
Nous aurons compris dans cette découverte que TOGONON Sévérin Togo par sa voix, prône la possibilité d’un avenir durable et résilient pour tous et surtout pour la future génération. Oui, l’Afrique fait face aux défis climatiques en menant des actions adaptés à ses réalités et avec la conscientisation générationnelle, la marche à pris un autre l’élan.
Andréa Magnon
Boursière d’Africa No Filter et de Mastercard Foundation
Une réponse
Continuez à être des champions du changement climatique et à inspirer d’autres personnes à se joindre à cette cause cruciale. Votre action compte énormément.
Excellent travail ! Andréa. C’était très bien écrit et informatif